jeudi 1 octobre 2009
bob dylan/positively van gogh (version complète) bob dylan/positively van gogh (1966/denver tapes, version complète) When I'd ask why the painting was deadly Nobody could pick up my sign 'Cept for the cook, she was always friendly But she'd only ask, "What's on your mind?" She'd say that especially when it was raining I'd say "Oh, I don't know" But then she'd press and I'd say, "You see that painting? Do you think it's been done by Van Gogh?" The cook she said call her Maria She'd always point for the same boy to come forth Saying, "He trades cattle, it's his own idea And he also makes trips to the north. Have you ever seen his naked calf bleed?" I'd say, "Oh no, why does it show?" And she'd whisper in my ear that he's a half breed And I'd say, "Fine, but can he paint like Van Gogh?" I can't remember his name he never gave it But I always figured he could go home Til when he'd gave me his card and said, "Save it" I could see by his eyes he was alone. (? I could understand ?) how his four leaf clover Drawn on his calling card showed That it was given back to him a-many times over And it most definitely was not done by Van Gogh. (It was either she or maid?) just to please me Though I sensed she could not understand And she made a thing out of it by saying, "Go easy He's a straight, but he's a very crooked-straight man." And I'd say, "Does the girl in the calendar doubt it? And by the way is it Marilyn Monroe?" But she'd just [speak?] softly and say, "Why you wanna know about it?" And I'd say, "I was just wondering if she ever sat for Van Gogh?" It was either her or the straight man who introduced me To Jeanette, Camilla's friend Who later on falsely accused me of stealing her locket and pen When I said "I don't have the locket" She said "You steal pictures of everybody's mother I know" And I said "There's no locket No picture of any mother I would pocket Unless it's been done by Van Gogh."
le dernier spectateur
1. dire d'abord que j'ai eu tort de regretter trop longtemps ces salles de cinéma hautes en couleur de mon enfance, où les spectateurs se disputaient, souvent bruyamment, à longueur de séances... ... .... je croyais que ce qui avait disparu du cinéma, c'était ce côté hétéroclite, mélangé socialement, du public.... ..... j'avais évidemment tort, le cinéma -art populaire, art d'usine- n'a jamais été fréquenté que par les pauvres gens, il était méprisé par les intellectuels et les bourgeois.... ... ... ... c'est ce cinéma que j'aimais, c'est ce cinéma que j'aime encore.
2. dire ensuite (c'est important) qu'après une courte période intermédiaire où le populo et l'intello se sont mélangés dans les salles, le cinéma a fini par ne plus être fréquenté que par ceux qui ont les moyens de se l'offrir, les bourgeois, les petit-bourgeois surtout, ceux qui savent parler des films ... parler et parler encore, sur le trottoir ou la feuille blanche, mais qui ne savent plus se prendre pour les personnages (toi morgan, moi gabin, moi tarzan, toi jane), qui ne savent plus s'identifier aux héros, qui ne savent plus "vivre les films"...
blossom dearie/old tyme movie love affair (films d'occasion prod)
3. dire aussi qu'une fois le spectateur populaire disparu, il ne restait plus au cinéma en tant qu'art d'usine à s'effacer... s'effacer sur la pointe des pieds... celà fait trente ans ou quarante qu'il s'y efforce ...
4. insister sur une chose qu'on a trop tendance à oublier: les spectateurs font les films, ils les défont aussi ... à force de s'être absentés des salles, ils ont conduit le cinéma en tant qu'art d'usine ... à s'absenter de lui-même
5. ... ... .... c'est l'une des raisons pour lesquelles, sans doute, mon désir de faire des films a presque totalement disparu ... pour qui filmer? ... pour qui?
PS. mon ami patrice kirchhofer, cinéaste expérimental qui bricole depuis toujours dans sa cuisine des films pour personne, n 'a pas ce problème ... l'abrutissement du spectateur, son absence, ou même sa mort avérée, ne l'affectent pas ... celà ne modifie en rien son désir de filmer... je l'envie énormément ...
1. dire d'abord que j'ai eu tort de regretter trop longtemps ces salles de cinéma hautes en couleur de mon enfance, où les spectateurs se disputaient, souvent bruyamment, à longueur de séances... ... .... je croyais que ce qui avait disparu du cinéma, c'était ce côté hétéroclite, mélangé socialement, du public.... ..... j'avais évidemment tort, le cinéma -art populaire, art d'usine- n'a jamais été fréquenté que par les pauvres gens, il était méprisé par les intellectuels et les bourgeois.... ... ... ... c'est ce cinéma que j'aimais, c'est ce cinéma que j'aime encore.
2. dire ensuite (c'est important) qu'après une courte période intermédiaire où le populo et l'intello se sont mélangés dans les salles, le cinéma a fini par ne plus être fréquenté que par ceux qui ont les moyens de se l'offrir, les bourgeois, les petit-bourgeois surtout, ceux qui savent parler des films ... parler et parler encore, sur le trottoir ou la feuille blanche, mais qui ne savent plus se prendre pour les personnages (toi morgan, moi gabin, moi tarzan, toi jane), qui ne savent plus s'identifier aux héros, qui ne savent plus "vivre les films"...
blossom dearie/old tyme movie love affair (films d'occasion prod)
3. dire aussi qu'une fois le spectateur populaire disparu, il ne restait plus au cinéma en tant qu'art d'usine à s'effacer... s'effacer sur la pointe des pieds... celà fait trente ans ou quarante qu'il s'y efforce ...
4. insister sur une chose qu'on a trop tendance à oublier: les spectateurs font les films, ils les défont aussi ... à force de s'être absentés des salles, ils ont conduit le cinéma en tant qu'art d'usine ... à s'absenter de lui-même
5. ... ... .... c'est l'une des raisons pour lesquelles, sans doute, mon désir de faire des films a presque totalement disparu ... pour qui filmer? ... pour qui?
PS. mon ami patrice kirchhofer, cinéaste expérimental qui bricole depuis toujours dans sa cuisine des films pour personne, n 'a pas ce problème ... l'abrutissement du spectateur, son absence, ou même sa mort avérée, ne l'affectent pas ... celà ne modifie en rien son désir de filmer... je l'envie énormément ...
deux ou trois choses que je sais sur bert williams ...
... né aux antilles en 1874, arrivé à new york à l'âge dix ans (il y meurt en 1922), le grand black minstrel NOIR bert williams a été une très grande vedette du vaudeville (sous le chapiteau, à broadway, mais aussi au cinéma)... ... .... w c fields, qui l'adorait, disait de lui qu'il était "l'homme le plus drôle qu'il ait jamais vu de sa vie ... ... mais aussi le plus triste." ... écouter "nobody", c'est constater que son style est étrangement plus proche des premiers crooners blancs, qui l'ont suivi (comme bing crosby) que du style nègre si bien imité par emmett miller, le grand black minstrel BLANC ....
bert williams/orginal version of "nobody" (1913)
bing crosby singing bert williams' early hit, "nobody", in an early thirties philco radio time program ... song starts only at 3.21, after the minstrel jokes (told with al jolson)
PS. j'ai mis longtemps à me faire à la drôle de voix trafiquée d'emmett miller, à son yodel hurleur pré-howling wolf, à sa voix sous influence georgienne d'extraterrestre déguisé en nègre,
emmett miller/i ain't got nobody (films d'occasion productions)
.. ... à ce son étrange, à ces jazzmen déplacés (emmett miller devait sonner bien plus "country" en vérité)....
je mettrais bien plus longtemps, des années sans doute, à me faire à l'art inédit, oublié, de bert williams, ce noir grimmé en noir... .... à noter que pour bert williams, il y a trois cd indispensables sous label archeophone, des savants fous doublés de mélomanes qui ont su restituer avec amour le son ... des cylindres ... certaines chansons qu'on n'avait plus écoutés depuis 1900 ....
ne pas oublier que la musique, pour moi, ce sont les disques, et rien d'autre .... .
avec archeophone, la bibliothèque sonore a reculé d'un coup, d'un seul, de vingt ans...
mais pour "entendre" ces disques, il faut du temps ... on n'écoute pas impunément, en quelques secondes, vingt ans de musique inédites à nos oreilles ... c'est de la sf ... c'est très étrange, vraiment très étrange ...
celà fait 2/3 ans que j'écoute bert williams, et je commence à peine à habituer mes oreilles (formatées pour reconnaître des musiques seulement à partir de 1927), à ces chansons étrangement désuètes de bert williams, des chansons de 1905 ou 1907 (sans compter les autres rééditions d'archeophone, qui commencent à vers.... 1885, ou quelque chose comme ça): on est là dans un monde ancien, oublié, inécouté, radicalement nouveau, définitivement incompréhensible et sans doute pour toujours travesti à nos oreilles...
... né aux antilles en 1874, arrivé à new york à l'âge dix ans (il y meurt en 1922), le grand black minstrel NOIR bert williams a été une très grande vedette du vaudeville (sous le chapiteau, à broadway, mais aussi au cinéma)... ... .... w c fields, qui l'adorait, disait de lui qu'il était "l'homme le plus drôle qu'il ait jamais vu de sa vie ... ... mais aussi le plus triste." ... écouter "nobody", c'est constater que son style est étrangement plus proche des premiers crooners blancs, qui l'ont suivi (comme bing crosby) que du style nègre si bien imité par emmett miller, le grand black minstrel BLANC ....
bert williams/orginal version of "nobody" (1913)
bing crosby singing bert williams' early hit, "nobody", in an early thirties philco radio time program ... song starts only at 3.21, after the minstrel jokes (told with al jolson)
PS. j'ai mis longtemps à me faire à la drôle de voix trafiquée d'emmett miller, à son yodel hurleur pré-howling wolf, à sa voix sous influence georgienne d'extraterrestre déguisé en nègre,
emmett miller/i ain't got nobody (films d'occasion productions)
.. ... à ce son étrange, à ces jazzmen déplacés (emmett miller devait sonner bien plus "country" en vérité)....
je mettrais bien plus longtemps, des années sans doute, à me faire à l'art inédit, oublié, de bert williams, ce noir grimmé en noir... .... à noter que pour bert williams, il y a trois cd indispensables sous label archeophone, des savants fous doublés de mélomanes qui ont su restituer avec amour le son ... des cylindres ... certaines chansons qu'on n'avait plus écoutés depuis 1900 ....
ne pas oublier que la musique, pour moi, ce sont les disques, et rien d'autre .... .
avec archeophone, la bibliothèque sonore a reculé d'un coup, d'un seul, de vingt ans...
mais pour "entendre" ces disques, il faut du temps ... on n'écoute pas impunément, en quelques secondes, vingt ans de musique inédites à nos oreilles ... c'est de la sf ... c'est très étrange, vraiment très étrange ...
celà fait 2/3 ans que j'écoute bert williams, et je commence à peine à habituer mes oreilles (formatées pour reconnaître des musiques seulement à partir de 1927), à ces chansons étrangement désuètes de bert williams, des chansons de 1905 ou 1907 (sans compter les autres rééditions d'archeophone, qui commencent à vers.... 1885, ou quelque chose comme ça): on est là dans un monde ancien, oublié, inécouté, radicalement nouveau, définitivement incompréhensible et sans doute pour toujours travesti à nos oreilles...
d'autres testaments perdus: la plus belle voix juive, la plus belle voix arabe ....
feel like slowly dying in the hot exotic sun that's burning me alive, listening the the heavenly voice of nazam al ghazali, most beautiful and almost heavenly singing ever to come from irak, most melodious voice in the whole arabic world
pierre pinchik/eileh ezk'roh (1930) (films d'occasion productions)
c'était le plus grand cantor de tous les temps ... c'est la plus belle musique juive du monde ...
feel like slowly dying in the hot exotic sun that's burning me alive, listening the the heavenly voice of nazam al ghazali, most beautiful and almost heavenly singing ever to come from irak, most melodious voice in the whole arabic world
pierre pinchik/eileh ezk'roh (1930) (films d'occasion productions)
c'était le plus grand cantor de tous les temps ... c'est la plus belle musique juive du monde ...
le dernier texte (remix)
je me rends compte que j'ai écrit à toute vitesse, sans contrôler l'ordre de mes idées, pas moins de sept textes en quelques jours, sept textes directement liés au cinéma ... ... .... ça ne m'était pas arrivé depuis très longtemps ... ... c'est beaucoup ... ... c'est trop ... ....
je les laisse reposer ... ... je les réarrangerais, j'y reviendrais, mais je m'interdis d'en écrire d'autres .... trop, c'est trop .. ... sept, c'est bien, non?
... and now, let's forget about cinema, here comes the good old sweet sound of muuuuuusiiiiiiic ....
bob dylan/down the highway (electric guitar heretic mix, dubbing by sbtasche/ dallas, texas 35 year old living in goa, india)
je me rends compte que j'ai écrit à toute vitesse, sans contrôler l'ordre de mes idées, pas moins de sept textes en quelques jours, sept textes directement liés au cinéma ... ... .... ça ne m'était pas arrivé depuis très longtemps ... ... c'est beaucoup ... ... c'est trop ... ....
je les laisse reposer ... ... je les réarrangerais, j'y reviendrais, mais je m'interdis d'en écrire d'autres .... trop, c'est trop .. ... sept, c'est bien, non?
... and now, let's forget about cinema, here comes the good old sweet sound of muuuuuusiiiiiiic ....
bob dylan/down the highway (electric guitar heretic mix, dubbing by sbtasche/ dallas, texas 35 year old living in goa, india)
CROONER CORNER: frankie laine takes lead vocal on a delightful 1944 charles brown trio session ... followed by six or seven of the greatest crooner performances ever
(films d'occasion productions)
charles brown trio & frankie laine/maureen
frank sinatra & axel stordahl/i'll be seeing you (1961)/david allyn & johnny mandel/the folks who live on the hill
shirley horn with benny carter/peggy lee with benny carter (1995)
beverly kenney/i walk a little faster/june christy, they didn't believe me
bing crosby & bob scobey/along the way (1957)
(films d'occasion productions)
charles brown trio & frankie laine/maureen
frank sinatra & axel stordahl/i'll be seeing you (1961)/david allyn & johnny mandel/the folks who live on the hill
shirley horn with benny carter/peggy lee with benny carter (1995)
beverly kenney/i walk a little faster/june christy, they didn't believe me
bing crosby & bob scobey/along the way (1957)
l'éternel retour de r.h. harris, the loveliest soul voice ever: écoutez les accents de sam cooke, marvin gaye, al green, michael jackson, ils sont tous là, dans cette voix divine, celle d'un homme grassouillet, sans charisme, le seul à savoir dans sa voix de miel que les violons ont toujours raison
r.h. harris & the soul stirrers/i'm still living on mother's prayer (alternate long version, 1950/les films d'occasion productions)
r.h. harris & the soul stirrers/i'm still living on mother's prayer (alternate long version, 1950/les films d'occasion productions)
cette voix vient de loin, des black minstrels du 19ème siècle aux fureurs androgynes de prince, en passant par sam cooke, little richard, curtis mayfield, marvin gaye, al green, michael jackson ....
en voici un résumé: rh harris/james brown
rh harris/soul stirrers/silent night (1948)/james brown/try me (1959)
en voici un résumé: rh harris/james brown
rh harris/soul stirrers/silent night (1948)/james brown/try me (1959)
bob neuwirth is older than dylan, probably 70 already, not singing much, mostly painting and living from the paintings he sells ... sad story, being eaten alive by bob dylan's shadow ... and bob's horrible selfishness and egocentered way of living and thinking ... and killing people sometimes
bob neuwirth/heroes (1996)
bob neuwirth/lucky too/nashville/beautiful day/cloudy day (1996)
bob neuwirth/annabelle lee (1987-1988)
bob neuwirth/heroes (1996)
bob neuwirth/lucky too/nashville/beautiful day/cloudy day (1996)
bob neuwirth/annabelle lee (1987-1988)
un très rare clip d'un très jeune kinky friedman
kinky friedman/twinkle (lasso from el paso, 1976)
KINKY FRIEDMAN A PARIS
En face de moi, sur la toute petite scène de l’Archipel, il souriait sous son chapeau noir assorti à ses moustaches. Avant même qu’il ait chanté la moindre note, cela tenait du miracle. Voir Kinky Friedman à Paris, qui aurait cru ça possible ? Le légendaire candidat au poste de gouverneur du Texas, mélange de Coluche et de Groucho Marx, l’écrivain-culte des polars à succès hantés par les fantômes de Hank Williams, l’ancienne star de la Rolling Thunder Review (aux côtés de son vieux pote, le minstrel blanc Bob Dylan), et surtout le légendaire chanteur country du Texas, l’auteur de They Ain’t Makin' Jews Like Jesus Anymore (Ils ne font plus de juifs comme Jésus) se tenait à quelques mètres de moi … et il chantait. J’étais heureux comme un enfant, il n’en fallait pas plus à mon bonheur, même si je maudissais intérieurement l’ignorance musicale et la paresse crasse des journalistes parisiens, qui les tenaient éloignés de cette petite scène de rien du tout qui créait l’événement, un événement au moins aussi important que les concerts de Prince au Grand Palais.
Peu de gens savent que le cow boy juif du Texas vaut largement Townes Van Zandt, Willie Nelson, Terry Allen, Joe Ely, Jimmie Dale Gilmore, Guy Clark, Steve Young ...ou même Buddy Holly, tous ceux qui ont fait du Texas l’état qui chante le mieux, et depuis longtemps. Qui le sait, ici ? Il n'y avait dans la salle que des allemands, des hollandais, des américains ... moi qui vais au concert une fois tous les trois ans, j'avais un peu honte d'être français. Mais la musique balaie tout ça, surtout quand elle est douce et sucrée comme celle de Kinky. Autant le personnage est drôle et sévère, rigolard, imposant, autant sa musique est murmurée, fragile, presque féminine. A part ses succès remuants comme Asshole from El Paso, un pastiche endiablé de Okie From Muskogee, la chanson red neck et réac de Merle Haggard, il n’a chanté toute la soirée que des standards country et des ballades, les siennes (Sold American ou Autograph, reprise par Delbert McClinton) ou celles des autres (Woody Guthrie surtout, dont il reprend Pretty Boy Floyd avec une fidélité touchante). Mais c’est avec la jolie ballade de Peter La Farge, The Ballad of Ira Hayes, qu’il est peut-être le plus convaincant : n’insistant jamais sur le pathos des paroles, il la survole du bout des lèvres, du bout de l’âme, lui redonnant toute sa dignité originelle, à la fois subtile et mélodramatique, celle qui décrit la vie d’un Indien de l’Arizona, emporté par la déchéance, la honte et l’alcool après avoir été un combattant héroïque à la bataille d’Iwo Jima. Même si Dylan l’a interprétée avec tendresse, la version de Kinky Friedman est infiniment plus subtile, meurtrie, comme tournée vers l’intérieur. C’est ce mélange intime de burlesque (avec son vieux complice Little Jewford en Harpo Marx écarquillé) et de fragilité mélodique que Kinky sait le mieux communiquer à un public qui l’aime d’amour depuis longtemps. On ne remerciera jamais assez Karel Beer d’avoir bricolé en secret la venue de ce héros américain, comme il l’a fait par le passé avec Guy Clark, Chip Taylor et tant d’autres.
kinky friedman/twinkle (lasso from el paso, 1976)
KINKY FRIEDMAN A PARIS
En face de moi, sur la toute petite scène de l’Archipel, il souriait sous son chapeau noir assorti à ses moustaches. Avant même qu’il ait chanté la moindre note, cela tenait du miracle. Voir Kinky Friedman à Paris, qui aurait cru ça possible ? Le légendaire candidat au poste de gouverneur du Texas, mélange de Coluche et de Groucho Marx, l’écrivain-culte des polars à succès hantés par les fantômes de Hank Williams, l’ancienne star de la Rolling Thunder Review (aux côtés de son vieux pote, le minstrel blanc Bob Dylan), et surtout le légendaire chanteur country du Texas, l’auteur de They Ain’t Makin' Jews Like Jesus Anymore (Ils ne font plus de juifs comme Jésus) se tenait à quelques mètres de moi … et il chantait. J’étais heureux comme un enfant, il n’en fallait pas plus à mon bonheur, même si je maudissais intérieurement l’ignorance musicale et la paresse crasse des journalistes parisiens, qui les tenaient éloignés de cette petite scène de rien du tout qui créait l’événement, un événement au moins aussi important que les concerts de Prince au Grand Palais.
Peu de gens savent que le cow boy juif du Texas vaut largement Townes Van Zandt, Willie Nelson, Terry Allen, Joe Ely, Jimmie Dale Gilmore, Guy Clark, Steve Young ...ou même Buddy Holly, tous ceux qui ont fait du Texas l’état qui chante le mieux, et depuis longtemps. Qui le sait, ici ? Il n'y avait dans la salle que des allemands, des hollandais, des américains ... moi qui vais au concert une fois tous les trois ans, j'avais un peu honte d'être français. Mais la musique balaie tout ça, surtout quand elle est douce et sucrée comme celle de Kinky. Autant le personnage est drôle et sévère, rigolard, imposant, autant sa musique est murmurée, fragile, presque féminine. A part ses succès remuants comme Asshole from El Paso, un pastiche endiablé de Okie From Muskogee, la chanson red neck et réac de Merle Haggard, il n’a chanté toute la soirée que des standards country et des ballades, les siennes (Sold American ou Autograph, reprise par Delbert McClinton) ou celles des autres (Woody Guthrie surtout, dont il reprend Pretty Boy Floyd avec une fidélité touchante). Mais c’est avec la jolie ballade de Peter La Farge, The Ballad of Ira Hayes, qu’il est peut-être le plus convaincant : n’insistant jamais sur le pathos des paroles, il la survole du bout des lèvres, du bout de l’âme, lui redonnant toute sa dignité originelle, à la fois subtile et mélodramatique, celle qui décrit la vie d’un Indien de l’Arizona, emporté par la déchéance, la honte et l’alcool après avoir été un combattant héroïque à la bataille d’Iwo Jima. Même si Dylan l’a interprétée avec tendresse, la version de Kinky Friedman est infiniment plus subtile, meurtrie, comme tournée vers l’intérieur. C’est ce mélange intime de burlesque (avec son vieux complice Little Jewford en Harpo Marx écarquillé) et de fragilité mélodique que Kinky sait le mieux communiquer à un public qui l’aime d’amour depuis longtemps. On ne remerciera jamais assez Karel Beer d’avoir bricolé en secret la venue de ce héros américain, comme il l’a fait par le passé avec Guy Clark, Chip Taylor et tant d’autres.
(à paraître dans ROLLING STONE)
lundi 28 septembre 2009
le premier spectateur
c'était il y a longtemps ... plus d'un siècle, c'est beaucoup, c'est peu ... en regard de l'art,de l'art d'usine, c'est infinitésimal ... des gens ont eu peur, un par un ou ensemble, ils ont eu peur ... c'était le premier, les premiers spectateurs de quelque chose qui n'avait pas encore de nom ... ils ont eu peur des premières images qui s'agitaient devant eux: un train, une pirogue, des ouvrières ... ... et puis ce furent des tour des passe passe, des jongleries, des clowneries, des gigotis, des gigotas, des numéros de magiciens, et même des yodels tyroliens passés au brou de noix du mississippi ....... ..
le cinéma forain se faisait dans les foires, on ne connaissait pas le nom des artistes de cirque qui organisaient toutes ces images (lumière, méliès, ce n'était que des noms de code, les plus connus, pour tous les opérateurs qui produisaient tous ces inédits au grand jour), le cinéma forain s'improvisait sous des tentes, des chapiteaux, les mêmes chapiteaux qui parcouraient au même moment l'Amérique pour vendre des élixirs, mettre en scène des cow boys, exhiber des peaux rouges, présenter à des petits blancs ahuris qui n'avaient jamais vu de noirs, des travestis raciaux, ces extraordinaires black minstrels dont emmett miller est le dernier, le dernier à être enregistré et filmé, en tout cas ...
emmett miller (à droite) not his singing yodel, i'm afraid, just his magician's late screaming yodel
et puis, et puis, et puis ... ....
un jour naquirent, sans qu'on même s'en rende compte, des films formatés, muets, parlants, qui racontaient des histoires en une heure trente, des histoires jouées par des acteurs .. .. ... les premiers spectateurs avaient disparu sans même qu'on s'en rende compte ... ... faut-il les faire revenir? sans doute pas .. .. ... mais ce qu'il faut faire revenir, par n'importe quel moyen, c'est l'éblouissement gamin devant les premières images .. .. .. un seul homme a vraiment essayé .. .. il s'appelle werner nekes ...
johnny flash (werner nekes)
pas vraiment représentatif de nekes, mais il se fait rare sur youtube: disons surtout qu'il est le seul cinéaste expérimental à avoir travaillé sur la caméra elle même, les focales, les objectifs, s'inspirant même des objets de pré-cinéma qu'il collectionne ... pour essayer de faire de la caméra autre chose que l'objet utilitaire et marchand qu'elle est devenue ... son idée, c'est de revenir à lumière ... et puis de changer de direction, de bifurquer, d'aller ailleurs ...
(à suivre)
c'était il y a longtemps ... plus d'un siècle, c'est beaucoup, c'est peu ... en regard de l'art,de l'art d'usine, c'est infinitésimal ... des gens ont eu peur, un par un ou ensemble, ils ont eu peur ... c'était le premier, les premiers spectateurs de quelque chose qui n'avait pas encore de nom ... ils ont eu peur des premières images qui s'agitaient devant eux: un train, une pirogue, des ouvrières ... ... et puis ce furent des tour des passe passe, des jongleries, des clowneries, des gigotis, des gigotas, des numéros de magiciens, et même des yodels tyroliens passés au brou de noix du mississippi ....... ..
le cinéma forain se faisait dans les foires, on ne connaissait pas le nom des artistes de cirque qui organisaient toutes ces images (lumière, méliès, ce n'était que des noms de code, les plus connus, pour tous les opérateurs qui produisaient tous ces inédits au grand jour), le cinéma forain s'improvisait sous des tentes, des chapiteaux, les mêmes chapiteaux qui parcouraient au même moment l'Amérique pour vendre des élixirs, mettre en scène des cow boys, exhiber des peaux rouges, présenter à des petits blancs ahuris qui n'avaient jamais vu de noirs, des travestis raciaux, ces extraordinaires black minstrels dont emmett miller est le dernier, le dernier à être enregistré et filmé, en tout cas ...
emmett miller (à droite) not his singing yodel, i'm afraid, just his magician's late screaming yodel
et puis, et puis, et puis ... ....
un jour naquirent, sans qu'on même s'en rende compte, des films formatés, muets, parlants, qui racontaient des histoires en une heure trente, des histoires jouées par des acteurs .. .. ... les premiers spectateurs avaient disparu sans même qu'on s'en rende compte ... ... faut-il les faire revenir? sans doute pas .. .. ... mais ce qu'il faut faire revenir, par n'importe quel moyen, c'est l'éblouissement gamin devant les premières images .. .. .. un seul homme a vraiment essayé .. .. il s'appelle werner nekes ...
johnny flash (werner nekes)
pas vraiment représentatif de nekes, mais il se fait rare sur youtube: disons surtout qu'il est le seul cinéaste expérimental à avoir travaillé sur la caméra elle même, les focales, les objectifs, s'inspirant même des objets de pré-cinéma qu'il collectionne ... pour essayer de faire de la caméra autre chose que l'objet utilitaire et marchand qu'elle est devenue ... son idée, c'est de revenir à lumière ... et puis de changer de direction, de bifurquer, d'aller ailleurs ...
(à suivre)
le premier white minstrel
portrait de dylan en jeune travesti
on parlait de la grande figure oubliée des travestis raciaux, on évoquait le maître caché du jeune bob dylan, "the minstrel man from georgia", emmett miller ... ... c'était le plus grand des blackface, des black minstrels, ces blancs grimmés grossièrement en noirs, qui rigolaient et chantaient "comme des noirs"... .... .... ...
un jour, il y a plus de trente ans, précisément en 1975, avant de partir sur les routes avec sa troupe bigarrées d'amis, d'amantes, de charlatans, de cracheurs de feu, de violonistes, de danseuses, et même de cow boy juifs (kinky friedman, le plus grand chanteur juif du texas), pour sa toute première rolling thunder revue, dylan a eu une drôle de vision: il a rêvé qu'il était un minstrel, un white minstrel ....
... .... il connaîssait par coeur l'oeuvre complète du blackface emmett miller, celui qui a révélé hank williams à lui-même avec lovesick blues, celui qui a inventé cet étrange yodel sauvage qui a tant impressionné howlin' wolf, captain beefheart -et bob wills, et merle haggard, et lefty frizzell .... .....
... .... mais bob dylan connaisssait surtout bert williams, l'une des premières superstars du cinéma et de la chanson, dès 1912, il savait que c'était un noir qui se grimait ... en noir
... bert williams était célèbre pour cette étrange routine de vaudeville, mais il n'était certainement pas le seul (sammy davis enfant, armstrong jeune homme, et beaucoup d'autres se grossissaient les traits pour paraître plus noirs, pour devenir des nègres plus nègres que les nègres) ......
... .... ... le seul qui a survécu (en films rares, en disques crachottants), le seul qui témoigne de cette préhistoire archaïque des black minstrels, c'est bert williams, le plus célèbre des noirs déguisés en noirs ... ....
bert williams (bande-annonce d'un documentaire fait par des lycéens noirs américains/trop de rap, mais les images de bert williams sont trop rares pour qu'on s'en prive ... écoutez bien: à partir de 1.50, il chante "nobody", l'un de ses tubes)
bert williams/he's a cousin of mine (1906) ... étrangement bert williams, ce célèbre black minstrel noir chante "plus blanc" (comme rudy vallée ou un pré-bing crosby) que le black minstrel blanc emmett miller ... même si sam cooke a repris sa chanson
... .... .... des noirs grimés en noir, ah ah ah ..... ..... l'idée était trop belle, trop conceptuelle, trop poétique, trop fantasmatique, trop allégorique, trop dylanienne en un mot.. ... ... quand l'idée du cirque ambulant de la "rolling thunder revue" lui est venue, quand il s'est décidé de remettre charlie chaplin et le vaudeville à la mode, bob dylan l'a su en un éclair: il allait être le premier chanteur blanc ... à se grimer en blanc ...
(à suivre)
on parlait de la grande figure oubliée des travestis raciaux, on évoquait le maître caché du jeune bob dylan, "the minstrel man from georgia", emmett miller ... ... c'était le plus grand des blackface, des black minstrels, ces blancs grimmés grossièrement en noirs, qui rigolaient et chantaient "comme des noirs"... .... .... ...
un jour, il y a plus de trente ans, précisément en 1975, avant de partir sur les routes avec sa troupe bigarrées d'amis, d'amantes, de charlatans, de cracheurs de feu, de violonistes, de danseuses, et même de cow boy juifs (kinky friedman, le plus grand chanteur juif du texas), pour sa toute première rolling thunder revue, dylan a eu une drôle de vision: il a rêvé qu'il était un minstrel, un white minstrel ....
... .... il connaîssait par coeur l'oeuvre complète du blackface emmett miller, celui qui a révélé hank williams à lui-même avec lovesick blues, celui qui a inventé cet étrange yodel sauvage qui a tant impressionné howlin' wolf, captain beefheart -et bob wills, et merle haggard, et lefty frizzell .... .....
... .... mais bob dylan connaisssait surtout bert williams, l'une des premières superstars du cinéma et de la chanson, dès 1912, il savait que c'était un noir qui se grimait ... en noir
... bert williams était célèbre pour cette étrange routine de vaudeville, mais il n'était certainement pas le seul (sammy davis enfant, armstrong jeune homme, et beaucoup d'autres se grossissaient les traits pour paraître plus noirs, pour devenir des nègres plus nègres que les nègres) ......
... .... ... le seul qui a survécu (en films rares, en disques crachottants), le seul qui témoigne de cette préhistoire archaïque des black minstrels, c'est bert williams, le plus célèbre des noirs déguisés en noirs ... ....
bert williams (bande-annonce d'un documentaire fait par des lycéens noirs américains/trop de rap, mais les images de bert williams sont trop rares pour qu'on s'en prive ... écoutez bien: à partir de 1.50, il chante "nobody", l'un de ses tubes)
bert williams/he's a cousin of mine (1906) ... étrangement bert williams, ce célèbre black minstrel noir chante "plus blanc" (comme rudy vallée ou un pré-bing crosby) que le black minstrel blanc emmett miller ... même si sam cooke a repris sa chanson
... .... .... des noirs grimés en noir, ah ah ah ..... ..... l'idée était trop belle, trop conceptuelle, trop poétique, trop fantasmatique, trop allégorique, trop dylanienne en un mot.. ... ... quand l'idée du cirque ambulant de la "rolling thunder revue" lui est venue, quand il s'est décidé de remettre charlie chaplin et le vaudeville à la mode, bob dylan l'a su en un éclair: il allait être le premier chanteur blanc ... à se grimer en blanc ...
(à suivre)
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