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UN TRAIN DANS LA NUIT
Dans le train qui l’emporte vers Shanghai, Shanghai Lily rencontre son ancien amour, un médecin des armées qui l’a si peu oubliée qu’il porte toujours sur lui son portrait. Mais un chef révolutionnaire arrête le convoi et le médecin est désigné comme otage.
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Dans un bel article, Louis Skorecki disait de ce film qu’il « navigue à bonne distance de ses propres travers stylistiques, avec une sorte d’humour froid qu’on prendrait à tort pour du second degré ». Ajoutons à cette très juste remarque que le cinéma, en particulier le cinéma hollywoodien de ce temps-là (le début des années 1930, le début du parlant), ne prolonge pas tant la rêverie du spectateur qu’il n’est un rêve incarné, matérialisé. Rêve, ici, d’une Chine coupe-gorge, d’un train traversant, fantomatique, des nuits noires de jais, rêve d’une réunion cosmopolite de personnages sympathiquement ridicules venus de toute l’Europe et des États-Unis, rêve d’un amour qui a survécu au temps et survivra aux malentendus, rêve, enfin, d’une femme de rêve, Marlene Dietrich, femme encore enfant qui sait aussi bien arpenter nerveusement un quai de gare que sourire aux anges près d’un tourne-disques, avec une grâce comme on n’en voit plus, surhumainement fragile. Un monde s’accorde ici à nos désirs d’aventure, d’exotisme, d’amour fou et de danger, sans prétendre arrimer le spectateur par des effets d’intimidation en quoi consistera l’essentiel, trente à quarante ans plus tard, du grand spectacle hollywoodien. Ici se joue plutôt la carte d’un esthétisme suranné, fait de volutes et de rideaux, de lenteur et de glamour, d’impatience et de secrets. Le film est à l’image de Marlene Dietrich/Shanghai Lily, une femme dont on ne sait si elle est ou non une prostituée et qui ne fera à personne le plaisir de lever l’ambigüité. Sternberg, sourire en coin, invente des bandits complaisants pour arbitrer les débats amoureux, joue à faire trembler ses personnages jusqu’à, dans la magnifique dernière séquence, nous sortir son plus beau tour : un montage en fondus associant la foule d’une gare et le couple qui s’embrasse, et que personne ne regarde. Sternberg connaissait au moins mille et une façons, toutes déviantes, toutes charmantes, de dissimuler l’absence de secret.
Mehdi Benallal
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