samedi 28 novembre 2009


frank sinatra & gordon jenkins/the christmas song (1957)




Comment entrer dans le Noël de Bob Dylan ?

C’est un disque crypté, décalé, touffu, contradictoire, sans queue ni tête. Il faut avoir la clé pour y entrer, en tout cas une des clés. La mienne, qui vaut ce qu’elle vaut, est de commencer par la fin. Désorganiser cette trop sage soirée de Noël pour y retrouver la touche de poésie et de tristesse, de mélancolie poisseuse, tenace, qui sont la marque juive de bob dylan. C’est seulement au quatorzième titre de Christmas In The Heart, par ce délicieux Christmas Song signé Mel Tormé (qui introduit au passage Jack Frost, l’elfe de Noël qui est aussi le pseudo de Dylan producteur), que le disque s’est ouvert. Il s’est illuminé, et maintenant presque toutes les chansons m’enchantent et me plongent dans une sorte de retour à l’enfance, une enfance béate et imbécile que je n’avais pas retrouvée depuis longtemps.
Comment en suis-je arrivé là ? Les extraits du disque sur Youtube, sautillants, catastrophiques, plus kitsch qu’une pub Mon chéri, me mettaient dans l’embarras, même si une phrase de I’ll be Home for Christmas ou Have Yourself a Merry Christmas pouvaient à l’occasion avoir la tristesse posée d’un standard. Après écoute répétée, ce disque s’est révélé une merveille d’insolence américaine, bien plus consistante que le médiocre Together Through Life qui n’est au fond qu’un retour tardif et énervé au bayou de Daniel Lanois. Ce que Dylan a cherché à retrouver ici, ce sont ses racines domestiques américaines, celles qui illuminent certains épisodes enneigés d’Ally McBeal ou d’autres séries télé dégoulinantes d’émotion, à coup de flocons de neige et de baisers mouillés. C’est aussi l’art raffiné d’un Frank Sinatra qu’il piste depuis tant d’années qui se retrouve ici. Pas un hasard si le chef d’œuvre Capitol que Sinatra a enregistré avec le grand Gordon Jenkins, A Jolly Christmas From Frank Sinatra, se retrouve pour moitié (six chansons sur douze) repris ici avec une tendresse attentive et un sens ramassé du mélo musical. La voix croassante et usée du vieux Bob n’a pas la fluidité magique de celle de Sinatra mais elle est d’une musicalité étonnante, lyrique, qui rappelle les ballades et les standards que Dylan aime tant chanter (Self Portrait, Bob Dylan, et tant d’autres reprises impromptues de Dean Martin ou Charles Aznavour).
C’est en passant par cette case sentimentale, en empruntant ce chemin délicat des airs éternels d’une Amérique qui n’aime rien tant que se tenir chaud et découper sa dinde en famille, que même les titres trop rapides, ces airs speedés, enjoués, retrouvent au détour d’une énième écoute d’étranges airs de Walt Disney syncopés en yiddisch. Ecoutez Must Be Santa dont Dylan a fait un clip sautillant, chorégraphié grossièrement à coup d’approximations îvres et de déguisements, et dites-moi si ce n’est pas un étrange tube klezmer new age qui vous déboule soudain dans les oreilles, sans s’être annoncé. Dylan a toujours été un provincial décalé, un juif embarassé de lui-même, un chrétien-collage, une aberration. A près de 70 ans, il a enfin réussi à recoller les morceaux. Pleurer à Sinatra n’est pas la chose la plus bête qui soit. A Dylan non plus.
(A paraître dans ROLLING STONE)


scott walker déconstruit sinatra (someone who cared, 1973), tout en annonçant le sfumato mélancolique de richard hawley

mercredi 25 novembre 2009

richard hawley: le retour en une (pour gilles tordjman)

je viens enfin de recevoir trueloves' gutter, l'album de richard hawley dont est extraite cette très belle chanson triste, for your lover give some time ... .... c'est superbe, même si tout n'est fait ici que pour servir d'écrin à cette chanson d'amour idéale

" invraisemblable ou pas, crois-moi, c'est la vérité -et il n'y en a pas deux ..."