une assemblée générale venait de rejeter brutalement, par une énorme majorité, une action de grève qui aurait entraîné la non-parution du journal, en soutien au refus de florence cousin d'accepter son licenciement brutal du journal dans lequel elle avait passé 25 ans, pour des "fautes" que jamais elle n'avait commises ..... avec deux mois de salaire en guise d'au revoir ....
c'est dans cette ambiance de lâcheté générale qu'il faut re-situer le combat têtu de florence c. contre l'injustice violente, flagrante, méprisante, commise à son égard ....
j'ai moi-même quitté libération, où j'ai vécu et travaillé plus d'un quart de siècle, il y a très exactement deux ans dans le cadre d'un licenciement économique (on appelle pudiquement ça un guichet-départ) ..... j'avais choisi de partir, j'avais des projets ailleurs, d'autres envies que de travailler avec des gens que je n'aimait plus et qui le savaient .... florence cousin, elle; avait choisi de rester malgré la dureté du travail, les humiliations répétées, c'était sa seule famille, une drôle de famille mais une famille quand même ...
tous les trois ou quatre mois, florence m'appelait pour qu'on déjeune au chinois ou au turc près de la rue béranger ..... j'en profitais poour prendre deux ou trois cafés américains au distributeur et dire bonjour à la seule personne que j'ai jamais regretté en quittant libération .... la terrasse.
on tentait bien de me faire sentir que je n'étais pas le bienvenu, des journalistes bien intentionnés comme marc semo ou tonino serafini allèrent même jusqu'à me dénoncer à la direction (dénoncer quoi? eux seuls devaient le savoir), mais je n'en tenais pas compte ... respirer sur la terrasse, mes 25 ans de collaboration assidue à libé m'en donnaient bien le droit .....
jusqu'au jour où deux rédacteurs en chefs musclés me poussèrent brutalement dehors pour m'empêcher d'embrasser ma dernière amie à libération, une certaine florence cousin, obligée pour laver sa réputation ternie par une direction sadique, de se lançer dans une longue et dangereuse grève de la faim .....
jusqu'au jour où le fürher en chef lui même, un certain laurent joffrin me poussa lui aussi dehors en hurlant comme un putois qu'il allait me foutre son poing dans la gueule ... il était au bord de l'apoplexie mais heureusement ses petits bras étaient trop courts pour m'atteindre .... je savais que cette furieuse mise en scène (il hurlait à un journaliste de libération que j'aimais bien de me virer) était surtout destinée à terroriser la pauvre florence, alloàngée sur son lit de misère à cinquante cm de moi ....
je quittais le hall de libération; je quittais mon amie florence cousin ..... à ce jour je n'y suis jamais revenu, même pour lui faire une bise....
il y a cinq semaines, donc, florence est réduite à la grève de la faim pour laver son honneur ... ..... ...ne pas passer sous silence l'impopularité de florence cousin parmi les cadres du journal et beaucoup de ses journalistes ....elle aplus d'une fois été considérée par une grande partie des habitants de libé-ville comme une employée incompétente pour UNE SEULE RAISON: elle a toujours été hors normes; trop peu cynique et trop peu ambitieuse pour être reconnue comme l'une des leurs par une population de journalistes diminués, apeurés, des journalistes cyniques d'une ambition (personnelle et professionnelle) qu'elle n'avait jamais partagée et dans laquelle, avec la rigueur morale qui a toujours été la sienne, elle ne se reconnaissait pas ... pour eux, florence c. a toujours été une pauvre fille, qui "fout la merde dans les services où elle passe" ....
(sur son passé de journaliste -et d'excellente journaliste- brimée avec une rare brutalité par la hiérarchie et les cadres de libé, voir mon témoignage, DEUX OU TROIS CHOSES QUE JE SAIS DE FLORENCE COUSIN)
après le vote terrible contre florence cousin et la violence inacceptable qui lui était faite, après cette mise à la porte sans indemnités, comme on le ferait pour une tricheuse, une voleuse, florence m'a dit:
"je suis décidée; je fais une grève de la faim"
sa copine fatima brahi, de la cgt, pleurait ......je me suis entendu dire à florence (comme si c'était un autre qui parlait) qu'elle avait raison de faire la grève de la faim; que c'était sa seule arme; sa dernière arme ....
deux ou trois jours plus tard, désespéré de ne voir apparaître AUCUNE réaction dans les médias, j'ai gribouillé furieusement un texte (MOURIR A LIBERATION), que jai proposé au MONDE .... qui l'a refusé ....
j'ai beaucoup réfléchi depuis sur l'assourdissant silence des médias face au combat d'une femme seule, une journaliste, dans ce quotidien tellement en vue ....
est-ce le réseau de joffrin qui a réussi à faire silence autour du corps souffrant de florence c. ou est-ce une conspiration du silence de toute la presse: quand l'un de ses représentants est en crise (et la presse est sacrément en crise), les autres membres de cette confrérie ne se sentent pas (solidarité des puissants, solidarité de classe) de critiquer l'un "des leurs" qui est encore (comme libé) plus fragilisé, plus en crise que les autres ...
le plus terrible, le plus terrifiant dans cette sinistre histoire, c'est que les faibles de la presse deviennent très vite et avec un rare sadisme des forts pour les autres: c'est l'édifiante parabole fassbinderienne du droit du plus fort sur le dos de la plus faible ...
grâce à la gentillesse et l'hospitalité de christophe kantcheff, mon papier cri de coeur refusé par LE MONDE après 3 ou 4 jours d'incertitudes mêlés d'espoir .....passa une semaine plus tard dans POLITIS, malgré ses faiblesses évidentes ....
politis est paru le 18 février
le même jour, un beau papier très émouvant signé d'une ancienne de libé, dominique conil, s'affichait dans mediapart
là au moins, les gens parlaient, discutaient, réagissaient ....
(A Suivre)
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