jeudi 1 octobre 2009

un très rare clip d'un très jeune kinky friedman

kinky friedman/twinkle (lasso from el paso, 1976)


KINKY FRIEDMAN A PARIS

En face de moi, sur la toute petite scène de l’Archipel, il souriait sous son chapeau noir assorti à ses moustaches. Avant même qu’il ait chanté la moindre note, cela tenait du miracle. Voir Kinky Friedman à Paris, qui aurait cru ça possible ? Le légendaire candidat au poste de gouverneur du Texas, mélange de Coluche et de Groucho Marx, l’écrivain-culte des polars à succès hantés par les fantômes de Hank Williams, l’ancienne star de la Rolling Thunder Review (aux côtés de son vieux pote, le minstrel blanc Bob Dylan), et surtout le légendaire chanteur country du Texas, l’auteur de They Ain’t Makin' Jews Like Jesus Anymore (Ils ne font plus de juifs comme Jésus) se tenait à quelques mètres de moi … et il chantait. J’étais heureux comme un enfant, il n’en fallait pas plus à mon bonheur, même si je maudissais intérieurement l’ignorance musicale et la paresse crasse des journalistes parisiens, qui les tenaient éloignés de cette petite scène de rien du tout qui créait l’événement, un événement au moins aussi important que les concerts de Prince au Grand Palais.
Peu de gens savent que le cow boy juif du Texas vaut largement Townes Van Zandt, Willie Nelson, Terry Allen, Joe Ely, Jimmie Dale Gilmore, Guy Clark, Steve Young ...ou même Buddy Holly, tous ceux qui ont fait du Texas l’état qui chante le mieux, et depuis longtemps. Qui le sait, ici ? Il n'y avait dans la salle que des allemands, des hollandais, des américains ... moi qui vais au concert une fois tous les trois ans, j'avais un peu honte d'être français. Mais la musique balaie tout ça, surtout quand elle est douce et sucrée comme celle de Kinky. Autant le personnage est drôle et sévère, rigolard, imposant, autant sa musique est murmurée, fragile, presque féminine. A part ses succès remuants comme Asshole from El Paso, un pastiche endiablé de Okie From Muskogee, la chanson red neck et réac de Merle Haggard, il n’a chanté toute la soirée que des standards country et des ballades, les siennes (Sold American ou Autograph, reprise par Delbert McClinton) ou celles des autres (Woody Guthrie surtout, dont il reprend Pretty Boy Floyd avec une fidélité touchante). Mais c’est avec la jolie ballade de Peter La Farge, The Ballad of Ira Hayes, qu’il est peut-être le plus convaincant : n’insistant jamais sur le pathos des paroles, il la survole du bout des lèvres, du bout de l’âme, lui redonnant toute sa dignité originelle, à la fois subtile et mélodramatique, celle qui décrit la vie d’un Indien de l’Arizona, emporté par la déchéance, la honte et l’alcool après avoir été un combattant héroïque à la bataille d’Iwo Jima. Même si Dylan l’a interprétée avec tendresse, la version de Kinky Friedman est infiniment plus subtile, meurtrie, comme tournée vers l’intérieur. C’est ce mélange intime de burlesque (avec son vieux complice Little Jewford en Harpo Marx écarquillé) et de fragilité mélodique que Kinky sait le mieux communiquer à un public qui l’aime d’amour depuis longtemps. On ne remerciera jamais assez Karel Beer d’avoir bricolé en secret la venue de ce héros américain, comme il l’a fait par le passé avec Guy Clark, Chip Taylor et tant d’autres.
(à paraître dans ROLLING STONE)

10 commentaires:

Mysterio619 a dit…

Quel magnifique blog, sans commentaire!
Pas étonnant pour un pitre de votre espèce qui traitait, en 2001, Clint Eastwood de "réalisateur médiocre". Venant d'un réalisateur français de votre trempe, la critique prend tout son sens.
Paltoquet.

skorecki a dit…

enlève ton faux nez, furax, on t'a reconnu ...
en ce qui concerne clint eastwood, c'est l'oeuvre d'un homme, un seul, pierre rissient ... qui l'a littéralement incenté ...

Unknown a dit…

vous auriez dû en parler avant du concert, pas après!

(et en 2005 pour eastwood de loukoum, de bite.)

david a dit…

Superbe texte, Louis. Très émouvant, très instructif. L'indien dont parle la ballade de Peter La Farge, reprise ou plutôt "suvolée du bout des lèvres, du bout de l'âme" par Kinky Friedman, est vraiment merveilleux. Rien à voir avec la caricature d'Indien commise par Clint Eastwood, dans Iwo Jima filmé du point de vue américain.

Parmi tous les morceaux de KF que vous nous avez fait découvrir, j'aime beaucoup ride'em jewboy (la version de 8 minutes jouée en concert), old shep et la dernière, twinkle, une petite bombe soul où le mélange des voix (de Kinky et de ses choristes) trafiquent des choses étonnantes dans les aigus, de celles qui donnent le frisson.
Sur quels disques peut-on trouver ces chansons ?
PS: merci beaucoup pour Charlie Rich (renee), Mildred bailey, RH Harris & The Soul Stirrers, et tant d'autres...

skorecki a dit…

je crois que toutes les chansons de kinky (sauf twinkle) viennent de "from one good american to another" (fruit of the tune) ...

NotBillyTheKid a dit…

Phil Ochs aussi avait raillé Oakie from Mussogee dans son concert en costume lamé Or au Carnegie Hall.
ça fait du bien de voir ce nom de Kinky Friedman sur un blog français.
Décidémment, après que vous m'ayez fait découvert Terry Allen il y a quelques années (je vous avez laissé quelques commentaires là-dessus, deux trois fois), je m dis que je devrais suivre ce blog plus assiduement.
Bonne route..

Le mien est là, au cas où ça vous chante: http://tearsinmybeers.blogspot.com

skorecki a dit…

à survoler votre blog, il est certain que vous aimez des choses différentes, ce qui compte plus que tout pour moi... un peu trop le folk qui n'est pas un genre musical en soi, mais une invention purement commerciale ... mais comme celà demanderait beaucoup beaucoup d'explications, disons que ce sera pour une autre fois .... avez vous raté hoover (produit par kinky)?

NotBillyTheKid a dit…

Raté, oui. Je ne sais qui est ce Hoover (mais je vais chercher..)
Pour le folk, qu'il fut récupéré par le commerce, oui. Mais, peu importe l'étiquette, il y a pas plus éloigné du commerce que Woody Guthrie; Leadbelly, Cisco Houston et consorts. Folkways reste, à ma connaissance, le seul label qui est une "non profit organisation" !

Barbara Dane y a même sorti un album au nom excellent pour un disque américain d'une chanteuse américaine, sorti sur un label américain : "I hate the capitalist system" !

Sous l'étiquette folk se trouve la musique traditionnelle, reprise, modifiée par des générations de chanteurs. Après, on a taxé chaque chanteur à guitare de Folk, même s'il ne sort d'aucune tradition.
Alors que, par exemple, le "house of the rising sun" des animals serait plus du folk (chanson piquée sur dylan qui reprend la version de Dave van ronk (ou de Ramblin'jack eliott), qui le prend chez Guthrie, qui le prend chez.... avec chaque fois des modifications. (tout ça pour finir chez Johnny, misère !)

Bien sûr, à l'occasion, votre avis là dessus doit être interessant.

Mais rassurez-vous, cela fait 3 ou 4 ans que je m'enfonce dans la Country. Des découvertes comme terry Allen, Willis Alan Ramsey ou Lefty Fritzell y sont pour beaucoup.

skorecki a dit…

je vous ai dit ... ce serait trop long ... il n'y a rien d'authentiquement musical dans la folk, c'est juste un ramassis de clichés faussement généreux ... des genres et des sous-genres country ou pré country, oui, il y en a, mais folk, ça ne veut rien dire, c'est juste une musique qui se fait sa propre publicité ... sur le dos des gens et des idées ....

Anonyme a dit…

https://www.youtube.com/watch?v=0jnFLWgFpsE


" invraisemblable ou pas, crois-moi, c'est la vérité -et il n'y en a pas deux ..."