vendredi 20 janvier 2012

le juif de lascaux au cinéma?

ma mère (czarna) faisait mal la cuisine, une cuisine mi-française (steak frites, escalopes panées), mi polonaise: les ferfels -ou farfels- des nouilles artisanales, du gefilte fich sucré -une abomination- des bortsch approximatifs ... le fait qu'on achetait la carpe vivante chez l'épicier, qui la sortait de l'aquarium et qui l'assommait avec un marteau avant de l'envelopper pour nous, était encore ce que je préférais ... ..
... ... ... elle réussissait admirablement le poulet aux pommes de terre (cuit au four de la boulangerie, le dimanche) et le gâteau aux pommes dont j’ai recherché la recette pendant des années (une petite juive faisait ça à belleville, des arabes ont repris le commerce, rue des rosiers ce sont maintenant des sépharades qui en ont oublié le goût , pour peu qu’ils l’aient jamais connu ... mais où l'auraient-ils connu, ce gôut de pays froid, pas en tunisie, quand même ) … …. ah oui, j’oubliais le meilleur, elle faisait une divine meïgele, introuvable où que ce soit maintenant, et qui était à la base d’un scénario onirique que j'ai longtemps voulu tourner .... la meïgele,c’est un cou farci (oie ou poulet, maman faisait du poulet) qui se mange froid, comme du saucisson … (en voici une recette que je ne connaissais pas: la peau du cou farcie de farine de painazime, de graisse du poulet et bien assaisonné de sel et de poivre ... cousu de fil blanc, cuit au bouillon et découpé en tranches, le cou semange froid) ... la meïgele, je n’y arriverais jamais … c’est un vrai malheur, une tragédie, quand je la rate … ma mère faisait aussi très bien les boulettes de viande et les latkes, des beignets de pommes de terre rapées sucrées ou salées (je préférais les sucrées)
en fait, czarna cuisinait très bien ...
rappeler ici, au moment où se pointe le désir de m'y remettre que le juif de lascaux, cette part imaginaire de mon histoire familiale, est une tentative de recension des innombrables fantômes de ma famille, pour la plupart gazés dans cette pologne que mon père aimait tant (compter à tout le moins une centaine de fantômes) c'est un remake impossible de mon film le plus personnel, l'escalier de la haine (1982), celui que daney préférait, de loin ... .... le film s'appelle depuis 1990 le juif de lascaux ... j'y avais définitivement renoncé aux alentours de l'an 2000 pour de mauvaises raisons (il n'y aurait plus de spectateurs pour un film comme ça)... le désir d'y revenir revient ... on ne peut pas contrôler le désir, sauf s'il s'en va ...
la première séquence, absurde, onirique, sera la confection à la chaîne (l'un coud la peau du cou, l'autre la farcit, elle gonfle, c'est pire qu'obscène) par sept ou huit personnes de ces meïgele de mon enfance, un jour de grand froid .... elles finissent jetées dans un chaudron énorme qui fume...

3 commentaires:

Casper a dit…

Je suis sûr qu'un jour vous arriverez à les faire ces meïgele de votre enfance.

Nathanaelle a dit…

je pourrais faire le Chaudron qui fume?

skorecki a dit…

même si je sais que tu peux être chaude, il est hors de question que qui que ce soit, toi ou une autre, fasse le chaudron qui fume ... le chaudron de mon film sera joué par un chaudron ...


" invraisemblable ou pas, crois-moi, c'est la vérité -et il n'y en a pas deux ..."