vendredi 7 septembre 2007

19 commentaires:

Anonyme a dit…

Deux chefs d'oeuvres du maître à la suite, chapeau bas !

Dommage que I'm not there ne sois pas en entier, mais c'est comme çà. J'ai hâte en tout cas de l'entendre sur grand écran - même si je méfie un peu du film. Todd Haynes aura quand même eu le mérite de déterrer ce morceau que je place au plus haut , tout genre confondu. Ce moment où il se met à lancer son 'I believe' devrait remplacer toutes les sonneries de portables du monde, il n'en serait que meilleur.

Une analyse approfondie de la progression mélodique serait par ailleurs nécessaire : bizarre comme l'impression d'infini s'en dégage, comme si Dylan (sans doute sans le savoir) avait inventé la perspective en chanson. Elle s'éterniserait que cela ne me gênerait pas.

Il faudrait aussi se pencher sur la bouillie de mots, alternativement bougonnés et exaltés, ce qu'ils disent ou, plus intéressant, ce qu'ils tentent de dire.

Ginsberg décrivait Dylan comme une colonne d'air : on se penchera enfin sur le système ORL qui a permis cette chose inouïe.

Amen.

Anonyme a dit…

En son temps (pas si longtemps), j'avais écrit ce texte à ce propos :

Ceci n’est pas le titre d’un album, mais celui d’une chanson, a song – un songe perdu au milieu d’un invraisemblable corpus de chants et de songes faits à plusieurs, réunis sous le titre de ‘Basement tapes’, et enregistrés durant l’été 1967 à Woodstock où Bob Dylan et The Band ont trouvé refuge après une tournée scandaleuse – scandée par les manifestations de rejet, de haine d’un public à la recherche d’un Sens, d’une Vocation, d’une Voix – d’un Messie.

Quoi, le Pur s’habille comme un personnage d’Alice au Pays des Merveilles, ce monument de non-sens ? Quoi, le Message ne s’adresse plus à l’Universel ? Quoi, la Voix s’étire jusqu’à l’absurde, noyée par les rugissements électriques d’un vil orchestre de rock ?

‘Everybody must get stoned’ – stoned : défoncé, mais aussi lapidé. Il l’avait bien cherché, on ne joue pas impunément avec le Sens. Il sera Judas. Et sera lapidé.

Accident – diplomatique ou non, peu importe. Les choses allaient trop vite, de toute façon. Et il fallait bien qu’à un moment, la machine s’arrête et se repose : les roues de la moto étaient en feu.

‘Je ne suis pas là (1956)’ : titre dont la caractère énigmatique est renforcé par l’indication de ce qui pourrait bien être une date (mais laquelle ?), une balise dans le temps. Si Dylan a rompu avec le sens, il n’aura pas rompu avec le temps, dont il fera désormais son affaire.

Cela commence par des mots indistincts comme passés au mixer – suite de phonèmes désordonnés d’où émergent çà et là des mots reconnaissables, et où il semble être question d’une femme qui pleure nuit et jour – le narrateur le sait : il était là. La voix trop basse, presque bredouillante, semble cacher quelque chose, un drame dont il est difficile de rendre compte avec des mots. Comme s’il marchait, tête baissée, au milieu du brouillard. Puis, après le temps d’une courte respiration, la voix s’élève soudain, comme s’élèveraient des yeux au ciel, recouvrant la vision : I believe… puis non : ce qu’on attendait, une explication, un sens reconnaissable, ne vient pas – et ne viendra plus. Le narrateur, sans doute pris dans les fils de ses rêves, continuera de se fondre dans l’indistinct. Cette apparition, madone archaïque ou reine des souffrances, restera impalpable – de même que la grammaire confuse du narrateur, dont la souffrance ressemble à celle d’un accusé atteint d’idiotie qui tenterait de plaider sa cause devant un tribunal surdimensionné, kafkaïen. Oh non, dit-il, je ne lui appartiens pas, je n’appartiens à personne – elle n’était qu’une mystique au cœur solitaire. Et je suis né pour l’aimer, mais le royaume attend tellement d’elle…

Des choses comme çà, incohérentes, poignantes. Et la fuite ultime : je ne suis pas là, je suis parti. Sous entendu : je suis là pour personne – ce que j’ai vu, nul ne peut comprendre.

Une première dans l’œuvre de Dylan, et une dernière. Ce chant désemparé – son plus beau – ne sera jamais reproduit, un peu comme si Dylan avait entrevu, dans le strict langage des rêves éveillés où aucun mot n'est à sa place (chant automatique ?), un secret impossible à partager et néanmoins irrépressible.

Un vrai souffle de poète.

(Genuine Basement Tapes Volume II/20 ou Tree with roots Volume III/15)


Voilà. Faudrait presqu'un livre autour de la question...

Unknown a dit…

Series Of Dream, la chanson et les images sont très belles - I'm Not There, n'en parlons même pas. Johnny Cash dernière manière a repris le procédé de la video utilisant des archives biographiques pour le clip de sa chanson Hurt :

http://fr.youtube.com/watch?v=SmVAWKfJ4Go

Anonyme a dit…

En ce qui concerne les clips de Dylan, il semblerait que le mérite du montage en revient à des admirateurs, et non à Dylan lui-même - youtube a permis l'éveil de vocations en vidéo (mais pour combien de temps encore ?)

Pour le clip de Cash, je ne sais pas.

Anonyme a dit…

Cet autre clip est une merveille :

http://www.youtube.com/watch?v=doNU1EndU8I

Anonyme a dit…

Le clip de Series Of Dreams est une vidéo officielle, réalisée par Meiert Avis (http://www.meiertavis.com/). Par contre le remontage sur I'm Not There est l'oeuvre d'un fan, effectivement.

NB. Il existe une version de la vidéo de Series Of Dreams sans les effets spéciaux :

http://fr.youtube.com/watch?v=LOnB_2I31_0

skorecki a dit…

que d'érudition, anonyme ou pas, et combien de futurs spectateurs du film de todd haynes, et d'acheteurs du dvd newport, et du triple cd de luxe avec cartes postales exclusives et un 1/2 inédit au maximum, et du volume 2 des chroniques, ce livre aux 3/4 illisible, méchant, raciste, insuppportable (sauf quand il parle musique, évidemment).
reste l'émission de radio dont le premier épisode était une merveille, apès c'est juste du rockabilly, du jazz, de la country, des vieilleries pépères pour collectionneur obèse.

Anonyme a dit…

Raciste 'Chroniques 1' ? A quel(s) endroit(s), svp ?

skorecki a dit…

le pire de ce livre, écrit avec les pieds (belle opération marketing, cependant), c'est sa haine des jeunes chevelus qui rampent pour l'apercevoir (il oublie que lui-même puait autant, sinon plus ,qu'eux quand il débutait, même françoise hardy (qu'il draguait comme un malade) l'a dit et répété des dizaines de fois.
dylan est un sale type, comme tous les grands artistes, même jean renoir était une ordure, un type manipulateur et antisémite, hitchcock a brisé la carrière de tippi hedren quand elle n'a pas voulu se laisser peloter par lui, john ford ne devait sans doute pas être plus sympathique.
Il n'y a que le fils tourneur qui était à la fois un grand cinéaste et un type adorable (chez les chanteurs et les musiciens, ça doit être pire).

Christophe a dit…

pour Renoir, des preuves de son antisémitisme m'intéressent.
je n'ai jamais rien trouvé de probant à ce sujet.
c'est quand même une accusation grave. surtout envers celui qui a donné ses plus beaux rôles à Dalio (il n'y a qu'à voir ce qu'il joue dans les pourtant bons Pépé le moko ou Un grand amour de Beethoven pour se rendre compte de la signification que pouvait avoir le fait de lui donner un rôle de marquis français).

skorecki a dit…

lisez la correspondance de renoir, c'est dans le commerce, et vous n'en reviendrez pas: allez directement aux lettres de tixier vignancourt, le nazi français qui s'occupait du CNC sous vichy...

Anonyme a dit…

Pour en revenir à Dylan (sans me désintéresser du reste), je pense que ceux qui étaient dans son viseur, c'étaient les emmerdeurs (et il y en avait - et je ne vois pas où est la racisme là-dedans). Qu'il ait été (et soit encore) une teigne, cela faisait partie de son oeuvre : plus et mieux que les Rolling Stones, il a introduit non seulement la 'poésie' mais aussi et surtout la 'méchanceté' dans le rock, alors bien sûr : le 'peace & love' et tout ce qui tourne autour de ces choses-là (psychédélisme et tout çà), il ne pouvait que l'écarter de son domaine de définition (d'où : Basement tapes, John Wesley Harding etc).

skorecki a dit…

la haine de soi, vous connaissez? dylan est comme jlg, son double (jusqu'à avoir un même accident aux mêmes dates), il déteste qui l'aime (le fan, le groupie), et aime qui ne le connaît pas.

Unknown a dit…

C'est drôle, je disais précisement cet après-midi en discutant avec un ami que je trouvais les figures de Dylan et de JLG étonnament proches, même si j'aurais du mal à précisement définir pourquoi...

skorecki a dit…

ce qui réunit dylan et jlg, outre qu'ils aient l'un et l'autre fait voler en éclats (et quels éclats) le cinéma et la musique de leur époque, c'est une haine de soi et des autres en tant que ce seraient tous des adorateurs imbéciles (comme vous, comme moi ...), une terrifiante panne d'inspiration qui se situe plus ou moins au moment de l'accident (moto pour dylan, voiture pour godard), une fulgurance dans les dialogues avec les medias qui va au delà de l'intelligence, un sentiment de ratage, artistique et surtout commercial, qui ne les a jamais quittés, un amour irrationnel de l'argent, des tas d'autres choses encore ...

Unknown a dit…

Merci pour les précisions.

Anonyme a dit…

'Masked and anonymous' a quelque chose de godardien (même si je n'ai rien compris). Et c'est vrai que nous sommes dans le dégoût de soi, enfin c'est ce qu'il m'a semblé.

skorecki a dit…

la première fois que j'ai vu, ou plutôt essayé de voir, masked and anonymous, j'ai trouvé ça tellement inconsistant que je n'ai regardé que les chansions, et encore pas toutes.
quand j'ai appris que tous les dialgues du film -sous le pseudonyme de jack frost, c'est glaçant...) étaient de dylan, je l'ai vu enfin en entier, c'est très intéressant et très embarrassant à la fois: comme un puzzle laissé à l'abandon, en fait il dfaut voir le film comme une très longue chanson de dylan, et les images comme des métaphores, et là ça devient passionnant: à ranger avec renaldo and clara et eat the document dans la filmo de dylan, cinéaste.
PS. avez vous remarqué que le principe de i'm no there (le film), à savoir qu'une personne est interprétée par plusieurs personnages était déjà à l'oeuvre dans les deux films de dylan, qui adorait faire jouer ses amis .. dans son propre rôle (dans ce rôle là, le meilleur était ramblin' jack elliott)?

Anonyme a dit…

Il faudrait que je revisionne M&A et ETD - je ne connais pas R&C, et je ne suis pas pressé de connaître : je ne suis pas sûr que ce soit ma période préférée (malgré Blood on the tracks).


" invraisemblable ou pas, crois-moi, c'est la vérité -et il n'y en a pas deux ..."