dimanche 14 novembre 2010

isidore isou et guy debord ne sont pas d'accord sur chaplin (1952)

paris, décembre 1952

finis les pieds plats
cinéaste sous-mack sennett, acteur sous-max linder, stavisky des larmes des filles-mères abandonnées et des petits orphelins d’auteuil, vous êtes chaplin, l’escroc aux sentiments, le maître-chanteur de la souffrance.

il fallait au cinématographe ses delly ... vous lui avez donné vos œuvres et vos bonnes œuvres.

parce que vous disiez être le faible et l’opprimé, s’attaquer à vous c’était attaquer le faible et l’opprimé, mais derrière votre baguette de jonc, certains sentaient déjà la matraque du flic.

vous êtes « celui-qui-tend-l’autre-joue-et-l’autre-fesse » mais nous qui sommes jeunes et beaux, répondons révolution lorsqu’on nous dit souffrance.

max du veuzit aux pieds plats, nous ne croyons pas aux « persécutions absurdes » dont vous seriez victime ...en français service d’immigration se dit agence de publicité ... une conférence de presse comme celle que vous avez tenue à cherbourg pourrait lancer n’importe quel navet ... ne craignez donc rien pour le succès de limelight.

allez vous coucher, fasciste larvé, gagnez beaucoup d’argent, soyez mondain (très réussi votre plat-ventre devant la petite elisabeth), mourrez vite, nous vous ferons des obsèques de première classe.

que votre dernier film soit vraiment le dernier.

les feux de la rampe ont fait fondre le fard du soi-disant mime génial et l’on ne voit plus qu’un vieillard sinistre et intéressé.

go home mister chaplin.

l’internationale lettriste :
SERGE BERNA, JEAN-L. BRAU,
GUY-ERNEST DEBORD, GIL J WOLMAN

........ ...... ...... ....... ....



les lettristes désavouent les insulteurs de chaplin

les membres du mouvement lettriste se sont réunis sur la base de nouveaux principes de connaissance et chacun garde son indépendance quant aux détails d’application de ces principes ... nous savons tous que chaplin a été « un grand créateur dans l’histoire du cinéma » mais «l’hystérie totale » et baroque qui a entouré son arrivée en france nous a gênés, comme l’expression de tout déséquilibre ... nous sommes honteux que le monde manque aujourd’hui de valeurs plus profondes que celles, secondaires, « idolâtres » de l’« artiste » .... les lettristes signataires du tract contre chaplin sont, seuls, responsables du contenu outrancier et confus de leur manifeste ... comme rien n’a été résolu dans ce monde, charlot reçoit, avec les applaudissements, les éclaboussures de cette non-résolution.

nous, les lettristes qui, dès le début, étions opposés au tract de nos camarades, sourions devant l’expression maladroite que prend l’amertume de leur jeunesse.

si charlot devait recevoir de la boue, ce n’était pas à nous de la lui jeter. Il y en a d’autres, payés pour cela (l’attorney général par exemple).

nous nous désolidarisons donc du tract de nos amis et nous nous associons à l’hommage rendu à chaplin par toute la populace.

d’autres groupes lettristes s’expliqueront à leur tour sur cette affaire, dans leurs propres revues ou dans la presse.

mais charlot et tout cela ne forment qu’une simple nuance.

JEAN-ISIDORE, MAURICE LEMAÎTRE, GABRIEL POMERAND


14 commentaires:

skorecki a dit…

isidore isou a évidemment raison

Casper a dit…

gloire à Isidore Isou. Debord, sur la question Chaplin est totalement à côté de la plaque (un type qui se trompe de colère, c'est triste pour lui).

Casper a dit…

en relisant ce "tract" immonde de cette non moins immonde "internationale lettriste", je me demande s'ils savent d'où vient Chaplin, ce petit vagabond de Londres bien réel avant d'être ce personnage de fiction qui va bouleverser les foules des salles de cinéma du monde entier.

Alex a dit…

A ce propos, on peut lire avec profit "Visages de l'avant-garde", un inédit de l'Internationale lettriste de 1953.
Voici la présentation de l'ouvrage paru chez Jean-Paul Rocher : http://www.jprocher-editeur.com/pages/nouv.htm

Visages de l’avant-garde
1953
Prix : 14 €
Écrit à diverses périodes et à plusieurs mains, "Visages de l’avant-garde" retrace l’histoire et les conceptions du mouvement lettriste de 1945 à 1953.
Par ses conclusions, ce document émane de l’aile radicale du lettrisme – Serge Berna, Jean- Louis Brau, Guy Debord et Gil J Wolman – qui, après sa rupture avec Isidore Isou en novembre 1952, s’est rassemblée en une Internationale lettriste (1952-1957).
Chronologiquement, il prend place après le numéro 2 de la revue "Internationale lettriste" (février 1953) et aurait dû être ensuite enregistré à trois voix, rythmé par des poèmes et choeurs lettristes.
"Visages de l’avant-garde" était resté inédit jusqu’à ce jour.
Édition établie et annotée par Jean-Louis Rançon.

Anonyme a dit…

De Debord, j'aime la mélancolie du promeneur dans Paris, qui n'égale pas celle de Walter Benjamin, ni celle peut-être que Modiano (citant Debord) convoque dans ses récits amusés, distanciés. S'il peut y avoir une force, dans certains films de Debord, par la confrontation entre des images volées et sa propre voix, il ne fait jamais oeuvre de cinéaste, pas même de monteur (donc de cinéaste).

skorecki a dit…

j'aime isou parce qu'il aime charlot, qu'il n'est pas du tout léniniste -contrairement à debord- et surtout parce qu'il est irréductible au slogan ....

Anonyme a dit…

Debord n'était pas du tout léniniste, si je peux me permettre.

Arthur

skorecki a dit…

anti-léniniste avec des raisonnements et des méthodes très léninistes, si je peux me permettre ...

Anonyme a dit…

Des méthodes léninistes ? Je crois plutôt que son intransigeance, sa rigueur de pensée, son rationalisme venaient de l'influence des premières avant-gardes du XXème siècle (dadaïsme, surréalisme). Rien à voir avec les spéculations idéologiques de Lénine, dont il a lui-même critiqué les méthodes. Qu'en pensez-vous ?

Arthur

skorecki a dit…

léninistes, terroristes, les révolutionnaires, surtout ceux qui savent épuiser l'adversaire, le deviennent tous ... dire qu'on est anti ne prouve pas qu'on le soit ...

Anonyme a dit…

D'accord, admettons, Debord avait des "raisonnements et des méthodes léninistes". Ma question serait donc : qu'est-ce qui, dans sa vie et dans ses écrits, vous permettrait de l'affirmer ? Citez-moi, si vous le voulez (car je ne veux aucunement vous déranger, Monsieur Skorecki, je vous respecte trop pour ça), une seule phrase ou une seule action "terroristes", permettant de dire : oui effectivement, Debord a eu un mode de fonctionnement terroriste ; qu'on puisse débattre sur de véritables arguments. (Je crois néanmoins que vous faites référence aux nombreuses ruptures provoquées par Debord. Breton dans ce cas n'était-il pas un "terroriste" ?).

Arthur

skorecki a dit…

bien sûr que breton était à sa manière un terroriste ... on va arrêter là cette discussion inutile, je ne suis en aucune manière un spécialiste de breton, même si j'ai commencé à le lire dès 67/68 ... mon sentiment a toujours été que ses discours étaient léninistes, au fond ... je peux me tromper, mais je l'ai toujours pensé ... (et autant j'ai pu être séduit un temps par ses idées, jamais je ne l'ai aimé, lui ...)...

Anonyme a dit…

Suite aux deux textes que vous donnez, il en existe un troisième daté du 2 novembre 1952 que ces auteurs (Brau, Debord et Wolman) adressèrent de Bruxelles au journal "Combat", qui refusa de le publier :

Position de l’Internationale lettriste

À la suite de notre intervention à la conférence de Presse tenue au Ritz par Chaplin, et de la reproduction partielle dans les journaux du tract intitulé "Finis les pieds plats", qui se révoltait contre le culte que l’on rend communément à cet auteur, Jean-Isidore Isou et deux de ses suiveurs blanchis sous le harnais ont publié dans "Combat" une note désapprouvant notre action, en cette circonstance précise.
Nous avons apprécié en son temps l’importance de l’œuvre de Chaplin, mais nous savons qu’aujourd’hui la nouveauté est ailleurs et « les vérités qui n’amusent plus deviennent des mensonges » (Isou).
Nous croyons que l’exercice le plus urgent de la liberté est la destruction des idoles, surtout quand elles se recommandent de la liberté.
Le ton de provocation de notre tract réagissait contre l’enthousiasme unanime et servile. La distance que certains lettristes, et Isou lui-même, ont été amenés à prendre à ce propos ne trahit que l’incompréhension toujours recommencée entre les extrémistes et ceux qui ne le sont plus ; entre nous et ceux qui ont renoncé à « l’amertume de leur jeunesse » pour « sourire » avec les gloires établies ; entre les plus de vingt ans et les moins de trente ans.
Nous revendiquons seuls la responsabilité d’un texte que nous avons signé seuls. Nous n’avons, nous, à désavouer personne.
Les indignations diverses nous indiffèrent. Il n’y a pas de degrés parmi les réactionnaires.
Nous les abandonnons à toute cette foule anonyme et choquée.

skorecki a dit…

mwouai... isou m'est décidément plus sympathique ...


" invraisemblable ou pas, crois-moi, c'est la vérité -et il n'y en a pas deux ..."