mardi 13 janvier 2009

GILLES TORJMAN PARLE DE FLORENCE COUSIN (texte écrit le dimanche 15/02/09)

Aujourd’hui dimanche, je suis allé voir Florence Cousin dans le Hall de Libération. Pourquoi dans le hall ? Parce qu’elle y mène depuis une semaine une grève de la faim. C’est une réponse extrême à une situation plus extrême encore. Les nouveaux managers de Libération ont en effet décidé de la licencier pour « incompétence » et « faute réelle ». D’autres ont déjà fait remarquer qu’une direction qui met 25 ans à s’émouvoir de l’incompétence supposée d’un salarié ne prouve que sa grande rétactivité — c’est une compétence appréciée lorsqu’on prétend diriger un quotidien d’informations.

Je n’ai jamais travaillé avec Florence Cousin, et donc ne peut porter aucun jugement sur ses compétences professionnelles. Je peux juste dire que, pour partager une expérience de la Presse aussi ancienne que celle de Florence, j’ai croisé un nombre extravagant de bras cassés, d’incapables notoires, de compromis protégés, de faux rebelles appointés qui, eux ne se sont jamais fait virer de nulle part. Au contraire, c’était bien leur docilité baveuse qui leur permettait de choisir leur laisse, quand le temps de changer de maître leur était venu.
En d’autres temps, on aurait trouvé comique qu’un journal qui a si longtemps donné des leçons de morale gauchiste à la terre entière se comporte désormais comme une entreprise ordinaire. Mais l’histoire de Florence Cousin ne nous fait pas rire. On peut y lire, en négatif, toute la conformité au pire de la société française acceptée par les plus virulents de ses contempteurs apparents : de la violence, de la morgue, du cynisme ; une immense lâcheté. De ce journal que nous sommes nombreux à ne plus acheter par découragement face à sa médiocrité décomplexée et désormais revendiquée comme une valeur positive, on n’attendait pas grand-chose. Mais seulement qu’il respecte le droit du travail ou, qu’à tout le moins, il s’abstienne d’en fouler au pied les plus élémentaires principes.

Nous soutenons Florence Cousin ; nous continuerons à aller la visiter, et à dénoncer la situation inique qui lui est faite pour de fallacieuses raisons, jusqu’à ce qu’on lui rende justice•

Gilles Tordjman

5 commentaires:

Casper a dit…

Je viens de passer à Libération. Florence Cousin était allongée sur son matelas de souffrance, dans le hall de ce journal autrefois tant aimé (pour de bonnes raisons) et aujourd’hui tant méprisé (pour d’aussi bonnes raisons parfaitement énoncées par Gilles Tordjman). J’ai déposé un petit message à son attention sur la table basse, juste à côté de sa tasse de thé vide. Le visage à moitié masqué par sa couette, elle semblait dormir. Dans ce petit mot, griffonné à la va vite sur un vulgaire post-it, je lui ai dit ce que vous faisiez, Louis, pour elle à travers votre blog. Et puis aussi que j’étais de tout cœur avec elle. Que dire d’autre ? J’espère maintenant qu’elle pourra le lire, lire ces quelques mots d’affection et de soutien

Je voulais vous dire aussi que votre texte, destiné à Politis, est d’une dignité exemplaire (comme celui, magnifique de Gilles Tordjman), dignité qui devrait faire rougir de honte les dignitaires de Libé si, par extraordinaire, ils étaient amenés à le lire.

Anonyme a dit…

A t elle vraiment fait une faute professionnelle ? de quelle gravité ?
Les prudhommes ont ils été saisis ?

skorecki a dit…

on lui reproche, après qq jours de formation, de n'être pas une assez bonne SR ... elle veut juste une formation plus longue ... les prudhommes disent d'ores et déjà qu'elle gagnerait à tous les coups contre libé ... mais la rumeur est là ...

Anonyme a dit…

Bravo Gilles pour ton texte.

JLB

al.daguerre a dit…

Libé, autrefois tant aimé..
Une passion entre 1980 et 1984, au service théâtre, et ma fuite que j'ai longtemps considérée comme un échec existentiel.
Aujourd'hui, merci à vous, Louis, Daniel, Gilles (et à quelques autres) : vous me faites comprendre, en rétrospective, que ce n'était pas un échec, mais une lucidité, un réflexe de survie et d'intégrité.
Honneur à tous ceux qui n'ont pas de longue cuillère, honneur surtout à ceux qui le savent et n'en sont pas humiliés.
Ils ne seront pas tentés de dîner avec le diable (et, coup tordu, de le nourrir ainsi).
Et peut-être mettront-ils en garde les petits enfants.
Et merci, aussi, pour Bob qui console toujours.
al.daguerre


" invraisemblable ou pas, crois-moi, c'est la vérité -et il n'y en a pas deux ..."