(fragments d'un texte, à paraître dans quelques semaines dans GQ)
mardi 27 avril 2010
columbo vs don draper (fragments)
Il y a vingt ans, personne ne s'intéressait aux séries. Il y a cinquante ans, personne ne s'intéressait au cinéma. Eternelle confusion, éternel recommencement. En 1960, à part deux ou trois dizaines de tarés des Cahiers, de Positif, de Présence du cinéma, seuls les prolos fréquentaient les salles de cinéma. Ils ne s'en portaient pas plus mal, les prolos. Les films étaient beaux, on pouvait s'identifier au héros, on rêvait très fort dans le noir. Le quidam n'avait pas de mots pour expliquer l'alchimie d'amour entre les films et lui, mais elle fonctionnait à merveille. On pouvait chasser en paix dans un territoire vierge qui ne s'appelait pas encore le pays de la cinéphilie. Ce qu'on sait moins, c'est qu'à Hollywood, ce beau rêve était déjà en train de s'évanouir. Dès 1958, avec Rio Bravo ou la Mort aux trousses, le post cinéma commençait. Ce qu'on sait encore moins, pour ne pas dire pas du tout, c'est que depuis 1955, avec Hitchcock aux manettes, la série télé à grande diffusion débarquait en Amérique. Autrement dit: en même temps qu'il sophistiquait à outrance son cinéma, qu'il le surlignait avec une volupté rageuse et raffinée, Alfred Hitchcock présente inaugurait la miniature noir et blanc, celle qui va droit à l'essentiel: deux personnages, trois répliques, un ton drôlatique et inquiétant, et le renoncement définitif à tout effet de signature.
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28 commentaires:
Je suis n'ai que 33 ans mais j'ai grandi avec "Colombo", "Les Mystères de L'Ouest", "Les Têtes Brûlées" et "Alfred Hitchcock présente". J'aimais aussi beaucoup la séries Creep Show (je ne sais pas si cela vous dit quelque chose)."La PLanète des singes" et "V" ont aussi bien occupé mes samedis après-midi. Il y en a eu d'autres bien sûr. Mais je pense qu'aucune série ne m'a autant captivée qu'"Aux Frontières du réel" (rebaptisée de son titre américain X-Files, une fois le succès venu). Je me souviens encore du dimanche soir où j'en découvrais le pilote sur M6. J'ai d'ailleurs été très étonnée de lire ici, récemment, que vous aimiez aussi cette série. Pour ma part, je pense que pour faire une bonne série, la recette est simple : de bons personnages et un bonne histoire. Mais surtout de bons personnages. Je crois que le problème de certaines des séries modernes auxquelles vous pensez est qu'elles ont de bons personnages mais pas vraiment d'histoire à raconter. Et comme vous dites, elles veulent à tout prix montrer qu'elles sont intelligentes et qu'elles ont quelque chose de fondamental à nous dire (sur l'être humain, sur une époque). Je regarde peu de séries (je regarde peu la télé, je n'ai pas vraiment le temps, et quand je l'ai je préfère l'utiliser à autre chose). J'aime quand même bien Mad Men. C'est une série qui a un côté lourd et démonstratif, comme vous le dites (elle tient vraiment à nous faire savoir que l'Amérique des années 60 était machiste, raciste, misogyne, que tout le monde fumait et buvait trop etc), mais certains personnages me plaisent beaucoup. C'est une série qui ne raconte pas grand chose, si ce n'est l'histoire d'un menteur. Une fois passé le cap des 5-6 premiers épisodes, j'ai commencé à la suivre avec beaucoup d'intérêt. Enfin bon, tout cela est affaire de goût. La dernière série que j'aie regardée avec un enthousiasme proche de celui avec lequel je regardais X-File est une série d'HBO, Carnivàle, arrêtée prématurément parce qu'elle coûtait trop cher. Une histoire de forains, pendant la Grande Dépression. Les créateurs devaient être des fans de "Freaks". C'était très beau, avec de très bons acteurs.
Les adaptations de classiques anglais par la BBC prennent leur temps, encore aujourd'hui. Ils ne prennent pas la pose du génie (probablement en partie parce qu'ils sont la transposition à l'écran d'oeuvres écrites dont la qualité originelle ne doit rien au talent d'un réalisateur). Les acteurs, issus du théâtre anglais, sont souvent très bons.
L'esthétique de ces productions n'a d'ailleurs pas beaucoup changé en 20 ans comme le prouvent ces extraits :
http://www.youtube.com/watch?v=yv6Z4_IGlOM
http://www.youtube.com/watch?v=htTfQFTNGPs&feature=related
(je n'aime pas trop les transitions de "Bleak House", assez tape à l'oeil, mais c'est la seul concession au modernisme de cette adaptation, si je me souviens bien)
C'est très loin du style américain, surtout le style actuel. Les Français savaient très bien faire cela encore dans les années 80.Je ne sais pas pourquoi nous n'y arrivons plus du tout.
ce texte est juste l'esquisse d'un article pour GQ/et il me reste encore la moitié à écrire: sur les personnages (disons l'humanité des personnages), oui, vous avez raison ... dans la seconde partie j'essayerai de raconter la lignée Columbo/Star Trek/Bochco/Kelley, et de dire mieux la superficialité des séries à la mode (vitesse, cynisme .... et course à celui qui sera le plus rapide à dégotter LA nouvelle série)....
PS. Il y a 2 ou 3 mois, GQ a publié un article très intéressant sur MAD MEN, signé philippe garnier (qui a pu assister au tournage ULTRA SECRET d'un épisode réalisé par son ami barbet schroeder)
PS 2. continuez à penser subjectivement, c'est la seule manière d'avancer ... un poeu
merci pour les extraits anglais, très intéressants
Eh bé, j'en ai fait des fautes de frappe. J'ai essayé de trouver l'article de Garnier en ligne, mais c'est impossible. Pourriez-vous me résumer en quelques mots ce qu'il y disait ? Je suis curieuse.
Et pour les extraits de la BBC, de rien. "My pleasure", comme disent les Anglais.
Et boston Public? ça c'est une série qui vaut le coup d'oeil!
attend la suite de l'article, il finit sur boston justice
TF1 a récemment diffusé les derniers épisodes de "Monk", drôles et tristes à en pleurer. On ne donne plus guère dans le tragi-comique de nos jours (sans doute l'intelligence ne le permet-elle pas).
Cela m'a rappelé la fameuse anecdote biographique sur l'enfance de Chaplin (celle qui se déroule aux environs d'un abattoir): "ce jour-là j'ai compris qu'on pouvait à la fois rire et pleurer".
Importance évidemment primordiale des personnages dans les séries: malgré la longueur et une certaine répétitivité, le vide que le spectateur ressent à la fin d'une série est plus fort qu'à la fin d'un film s'il s'est attaché à eux durant plusieurs années.
Sur les séries récentes: avec un peu moins de "vitesse cinématographique" et plus de lenteur théâtrâle les séries Showtime "Dexter" et "Nurse Jackie" feraient plus souvent le même effet que "Pickpocket".
merci d'avoir cité Monk, je comptais le faire car c'est une variation minimaliste sur Columbo (le personnage, toujours le personnage)... mais ma petite lezçon de télé finira par une critique plutôt négative de Mad Men et surtout un éloge de Boston Public et de Boston Justice .... Ca paraîtra dans GQ
Tiens, ça me fait bien plaisir de lire votre début d'avis sur mad men. Il faut l'admirer cette série mais, perso, je n'ai jamais vraiment pu dépasser le générique, déjà bouffi de cynisme.
ce matin j'ai pensé à toi, Louis. j'ai pris mon petit déjeuner devant boston public...héhéhé. J'achèterais GQ pour lire la suite! besos!!!!!
Moi j'aime bien Chuck… qui est Lubitschien sans le savoir, ou presque… et puis l'élégance neutre, fanée, des Columbo… Richard Quine, Henry Mancini, tout ça...
C'est un article très intéressant, Louis.
Sur "Ally Mc Beal", que j'ai absolument adoré à une époque : la première saison est très bien, la deuxième est le top du top. Kelley avait trouvé le point d'équilibre, entre les plaidoiries, les numéros musicaux, la comédie romantique. Les personnages se développaient tous de façon très originale et intéressante. Ca a commencé à coincer à la saison 3, avec l'introduction de Robert Downey Jr (pourtant acclamée par la critique, alors). Le trio que formait Ally avec son ex et la femme de son ex ne fonctionnait plus. Au fur et à mesure, les saisons avançant, la soul musique a pris le pas sur les histoires. J'adore la soul, mais j'attends surtout d'un feuilleton qu'il me raconte des histoires. "Ally Mc Beal" s'est terminé de façon assez triste, je trouve. Mais j'ai les DVD de la saison 2.
Dans Mad Men, il y a deux personnages très humains : Joan Holloway, la plantureuse secrétaire en chef, et Peggy Olson, la petite secrétaire ambitieuse qui sera embauchée dans l'équipe des créatifs. Ce sont probablement les deux seuls personnages au sujet de qui on puisse dire que ce sont des gens bien, malgré leurs défauts et leurs erreurs. Au passage, la saison 3 de "Mad Men" se termine sur une touche particulièrement chaleureuse. Je n'en dis pas plus des fois que certains suivraient la série et n'auraient pas vu la fin. Mais il y a moment "bande de copains" fort plaisant dans une série aussi cynique.
Et puis il y a parfois de belles chansons : http://www.youtube.com/watch?v=y0voSWdX4jo
quand on met son sens de l'humour en veilleuse, on se donne effectivement l'air prétentieux, mais allez, je t'aime quand même louis
Parmi les nouveautés j'adore "Lie to me" avec l'immense Tim Roth qui a trouvé là un personnage qui devrait durer. Quant à Colombo, j'ai une petite pensée pour Serge Sauvion qui en était la voix française part entière du succès de l'entreprise !
"Eternel recommencement" ... je ne sais plus comment j'avais compris avant de vous lire que le schéma est effectivement identique pour tous les arts populaires.
*Naissance dans des lieux trop "mal famés" ou sur des supports aux publics trop larges pour que l'intelligentsia s'y intéresse: les bordels pour le jazz, les ghettos pour la musique noire, la populace ou la campagne pour le folk, les champs de foire pour le cinéma, les pages des journaux pour le roman-feuilleton ou la bande dessinée. Ceux qui aiment ces arts débutants le font avec le sérieux que les enfants mettent à leurs jeux, incompris des adultes.
*Pointe un début de prise en considération, notamment par ceux qui connurent ces arts pendant leur enfance et qui veulent les continuer moins naïvement sans renier leur origine. Cela produit d'abord des chefs d'oeuvre, mettons Dylan pour le folk, les Beatles pour la pop, Duke Ellington pour le jazz, Simenon pour la littérature populaire, Stanley Donen pour la comédie musicale, les séries des années 90...
*Arrive le temps de ceux qui n'auront connu que la reconnaissance des adultes obtenue par la génération intermédiaire.
N'est-ce pas ce que vous "radotez" depuis "contre la nouvelle cinéphilie", qu'il faut choisir entre la fidélité à l'art populaire et la fidélité au cinéma?
séduisante hypothèse monsieur spam ... bien que l'idée d'ART D'USINE ne s'applique je crois qu'au cinéma ....
Il y a bien, Tin Pan Alley, la Brill Building pop, c'était un peu de l'art(isanat) dans l'industrie aussi, non ?
peut-être ....
Pas de comparaison possible, l'artisanat a disparu dans le cinéma (sauf exceptions marginales) finalement peu de temps après son invention. Les photos de tournage de l'expo de la cinémathèque publiés dans la presse (Libération?) rappelle s'il en était besoin que les tournages ont depuis longtemps plus de ressemblance avec l'activité d'une PME qu'avec celle d'un atelier d'artisan.
Disons que la musique est à mi-chemin entre l'écriture (ou le dessin) et le cinéma, l'écriture d'une chanson restant une étape autrement plus importante que celle d'un scénario (sans Goffin&King ou Smokey Robinson, les "usines à tubes" n'auraient pas fonctionné).
La musique moderne, post-rock'n'roll, n'est pas plus industrielle que celle des grands orchestres pre-rock'n roll: un disque de pop sans orchestre à corde implique moins de personnes dans sa production que des disques de Bob Wills, Count Basie ou Duke Ellington peut-être plus proches du cinéma.
Un disque "de paysan", quel que soit sa qualité, c'est toujours un chanteur avec une guitare et un accent accompagné par deux ou trois types plus un éventuel Pygmalion type Sam Phillips. Mais "faire des films de paysans", comme John Ford le revendiquait, donner à un paysan les clefs de l'usine à rêve, le résultat en était moins prévisible...
Dites il parlait bien au premier degré, le Ford?
en matière de cinéma, ford n'avait jamais appris à compter jusqu'à deux ... mais tout ce qu'il dit n'est pas parole d'évangile .... on se trompe tous, non?
exact...
"as they disappeared into the bush/
I heard the driver say/
he's a little slow beetween the ears/
he's always been that way"
from "Two girls" by TVZ
"s'identifier au héros, rêver très fort dans le noir", connaissez-vous un plus beau programme que celui-là ? Que ce soit du "cinéma" ou de la "télé", après tout, quelle importance...
Allez, je passe outre à l'orgueil ... il y avait moyen de dire les choses plus simplement. "Brill building", comme son nom l'indique, c'est de l'art de bureau, non d'usine.
si vous voulez ... mais quitte à y répondre, lisez putôt la version intégrale du texte ...
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