à newport, la rencontre a été brève, il m'a juste demandé dix cents pour téléphoner à une copine ... comme elle n'était pas là, "hey man, here's your ten cents", il m'a rendu ma pièce ... brève introduction, trop brève ...
et puis le spectacle électrique a commencé, sans cette mixed up confusion dont on nous a trop rebattu les oreilles ...
presque personne dans le public n'a protesté, c'était juste assourdissant, les musiciens ne s'entendaient pas, la balance était atroce ... de là à jurer qu'il y a eu coupure épistémologique, ou quelque chose comme ça, en juillet 1965, à newport, il y a loin ...
bob dylan/like a rolling stone/newport 1965
ça allait sérieusement s'accélérer quelques jours plus tard à new york ... pour l'enregistrement de highway 61 revisited, ou albert grossman nous avait invités, bernard gidel (appareil photo en bandoulière) et moi (gros magnéto à la main) ... je parlerais plus tard, plus loin, de cette séance fabuleuse où dylan enregistre presque la moitié de son meilleur album en un jour et une nuit ...
le reste du temps, on glandait à beverly hills, à écouter (et interviewer) des pop stars improbables (sam the sham and the pharaohs, herman's hermits, sonny and cher ... ...) et surtout à nous défoncer des nuits durant à new york, au village gate ou ailleurs, à écouter des musiciens encore plus défoncés, des musiciens de jazz noirs, , sun ra, archie shepp, john coltrane, cecil taylor, charlie mingus, thelonious monk (voir photo en bas du blog), et surtout le grand albert ayler ... ...
albert ayler/prophet (1965)
... des musiciens encore plus défoncés, dont certains carburaient à la fois à l'acide et au speed (archie schepp, pendant l'interview qu'il m'a accordée pour jazz magazine) ou une mixture encore plus hard (rhum coca/amphétamines/héroïne, ou quelque chose d'approchant...), celle que prenait dylan pendant l'enregistrement de highway 61 revisited ...
quelques semaines plus tard, je filais en arizona pour 5 ou 6 jours, sur le tournage d'eldorado: howard hawks, robert mitchum, john wayne devenaient mes amis ...
l'hymne de cet été free jazz 1965/acide, celui qui passait non stop à new york et sur les collines brûlées par le soleil de hollywood, c'était like a rolling stone, sorti en single hypnotique et électrique, avant même l'enregistrement de highway 61 revisited sur lequel il allait figurer en bonne place ...
bob dylan/ like a rolling stone (1965, take 6, b)
ce qui me reste de cet été 1965? ... des bribes de musique éparses: un joli solo à la guitare, quelques notes presque flamenco (mêlées de blues texan) que lightnin' hopkins enregistre gentiment à chicago, dans mon micro, juste après l'interview ... pretty, isn't it?, me dit il d'un sourire enfantin en réécoutant la mélodie minuscule, qu'il m'offre comme un cadeau de noel sous le soleil torride d'un été tropical ...
il me reste aussi d'archie shepp, colosse amical du free jazz naissant, sax/sosie improbable du grand lucky thompson, un solo, improvisé pour moi, au terme d'une rencontre improbable sous acide ... quelques mois plus tard, je ferais de ces quelques notes de tenor échevelées qu'il m'a livré avec un sourire gamin (le même que celui de lightnin' hopkins, quand il a réécouté les yeux fermés, en buvant une rasade de gin dans sa tasse en émail blanc, sa mélodie à la guitare), les notes d'ouverture de mon tout premier film, les pieds dans les nuages (et la tête dans la lune) ... ...
lightnin' hopkins/vietnam war (1965)/archie shepp/in a sentimental mood (1965)
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J’aime vos souvenirs
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